Nous savons qui va gagner les prochaines élections : ce ne sera pas nous.
Trente ans de lutte de l’immigration, une grève générale exemplaire
en Guadeloupe comme en Martinique et une longue séquence de révoltes au
sein des quartiers populaires – de celles de novembre 2005 jusqu’à
Villiers-le-Bel – ont démontré une résistance acharnée de la part de
tous ceux et celles qu’une large part du champ politique n’a eu de cesse
d’exclure ou de cantonner à un rôle de citoyens de seconde zone. Les
seules réponses que les pouvoirs en place ont apportées se résument à
plus de répression et à la mise en œuvre de plus en plus active d’un
régime d’exception à l’encontre des descendants de colonisés :
couvre-feu et état d’urgence en 2005, quadrillage des quartiers
populaires par les polices spéciales, violences policières impunies,
gestion des « flux migratoires » de plus en plus accrue et féroce, et
l’inflation de lois et de décrets islamophobes pour évincer les
musulmans de l’espace public. Quels que soient les gouvernements
successifs, les injustices et les problèmes de fond se sont renforcés.
Le racisme d’État s’affermit de jour en jour et se décline de la
négrophobie exacerbée jusqu’aux attitudes paternalistes.
L’offensive ne s’arrête pas aux discours racistes prononcés par les
plus hautes figures de l’État, qui désignent les habitants des quartiers
populaires comme les principales sources de tous les maux du système
alors qu’ils et elles en sont les premières victimes : ce sont eux et
elles qui sont, en premier lieu, discriminés à l’embauche, à
l’avancement, au logement, etc. La crise, et l'austérité qui
l'accompagne, ne frappent pas partout de la même manière : les quartiers
populaires sont les plus durement touchés par le chômage, par le
démantèlement du service public et par les coupes budgétaires massives.
D’autre part, nous savons déjà combien la présidentielle ne permettra
pas de changement fondamental de la politique française vis-à-vis de
l'Afrique, de la Palestine et de tous les pays arabes et musulmans.
Seules les insurrections victorieuses en Tunisie et en Égypte ont pu
saborder le soutien du bloc occidental à leurs dictateurs déchus. Mais
la politique néocoloniale et impérialiste française n'a pas pour autant
cédé. Nous non plus, nous ne céderons pas : les troupes françaises
doivent se retirer d’Afghanistan, les menaces sur l’Iran doivent cesser
tout comme les menaces d’intervention en Syrie ; le soutien total au
projet sioniste de la part des plus hauts sommets doit prendre fin. Nous
ne céderons pas sur notre soutien à la résistance palestinienne. Nous
ne céderons pas non plus sur les milliers de soldats français déployés
sur le continent africain, en appui à des régimes qui se plient aux
impératifs des plus grandes entreprises françaises et au terrible
système du franc CFA.
Marchons, aux lendemains de cette présidentielle, le 8 mai dès 14h à Barbès.
Cette date met en lumière le paradoxe de la République française : en
1945, ce jour-là, à l’heure du rétablissement de l’État de droit dans
la métropole, l’État français commettait simultanément un massacre de
masse dans ses colonies, à Sétif, Guelma et Kherrata. Bien d’autres
massacres précèdent et ont suivi mais cette date précise pointe un
clivage : jour de massacre pour les uns, jour de libération pour les
autres.
Marchons pour marquer ensemble un premier pas vers un front politique de résistance pour et par les quartiers populaires.
Marchons ensemble et unis pour montrer que nous ne sommes et ne
serons pas dupes : ils doivent savoir – quel que soit le résultat des
élections – que non seulement nous ne comptons pas sur eux mais qu’ils
ne pourront plus faire sans nous.
Premiers signataires :
Action Citoy'Aisne, Alliance Noire Citoyenne
(ANC)/Brigades Anti-Négrophobie, Alternative Libertaire, Art de la paix,
Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), Campagnes
Civiles Internationale Pour la Protection du peuple Palestinien
(CCIPPP), Coup pour Coup 31, Collectif des Musulmans de France (CMF),
Déchoukaj, ETM 31 (Égalité Toulouse Mirail), "Ensemble à Bagnolet",
Épices, Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives
(FTCR), Fondation Frantz Fanon, Front Uni des Immigrations et des
Quartiers Populaires (FUIQP), Génération Palestine (GP), Générations
Spontanées contre le racisme et l 'islamophobie, GUPS (Union Générale
des Étudiants de Palestine), Groupe Frantz Fanon, H.I.J.A.B., Les
Indivisibles, Mouvement des Quartiers pour la Justice Sociale (MQJS),
Nouveau Parti Anti-capitaliste (NPA), Parti des Indigènes de la
République (PIR), Printemps des quartiers, Quartiers Nord Quartiers
Forts, Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Vies Volées, Zone
d'Expression Populaire (ZEP).