ILS NE VEULENT RIEN LACHER !

Article paru dans l'Hérault du jour le 2 mai 2012  
1er mai. Près de 10 000 dans la capitale régionale. 15 000 dans l'Hérault, les manifestants 
ont apporté une réponse puissante à ce qu'ils appellent " les provocations de Sarcosy ".
1 500 entre les deux tours des Présidentielles en 2007, moins de 1 000 l’an dernier… les 1er mai se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Mardi comme en 2009, après les premières conséquences de la crise, ils étaient près de 10 000 (5 200 selon la police) dans les rues de Montpellier – 15 000 dans les neuf rendez-vous héraultais. Dans la capitale régionale, le cortège était souvent sage mais la colère à fleur de peau.
Au départ du Peyrou, les « provocations » de Sarkozy alimentent les conversations. « Cette manifestation est avant tout syndicale, mais on sait quelle est l’échéance et l’enjeu pour les salariés, » analyse Jean-Louis Garcia au volant du camion de la CFDT sur lequel le groupe de rock féminin Candy appel red électrise l’atmosphère. Le secrétaire de l’Union locale, très loin des déclarations de François Chérèque, ne l’envoie pas dire au président candidat. « Il a une fois déclaré qu’il n’y avait plus de manifestations en France, on lui a déjà montré le contraire. Dimanche, on pourrait bien lui mettre un coup de pied au cul. » Son camarade cédétiste du Cirad, Frédéric, ajoute en référence aux corps intermédiaires stigmatisés par Sarkozy : « Heureusement qu’il reste des syndicats, sinon, il n’y aurait plus de code du travail ».

Le « vrai travail » c’est eux

Le travail, « le vrai », est au cœur du cortège. « Dans les écoles, les gens ont le sentiment que le vrai travail c’est eux qui le font et dans de très mauvaises conditions », témoigne Jean-Luc Vaisse (SE/Unsa). Eric Bachelart (FSU) confirme « le ras le bol » des enseignants très nombreux dans la manif. « Il y a surtout de vraies mobilisations dans les salles de profs », précise-t-il.
Les ouvriers de chez Renault sont directs : « 1 million de chômeurs en plus, c’est que le mec fait pas bien son boulot ». Une pancarte CPAM en main, Jean-Pierre parle de ses collègues. « Ils ne s’expriment pas trop », livre-t-il. Ils en prennent, ils en laissent. » A Béziers, un de leur collègue s’est suicidé sur son lieu de travail… C’était pourtant un privilégié selon les critères de l’UMP. « Vu l’état du pays, on pourrait plutôt se demander quel travail ils font à Paris » s’exclame-t-il finalement, toute colère rentrée.

« Une réponse à Sarko »

A la tête du défilé, Anne Moltini (CFTC) n’est pas vraiment une habituée du 1er mai. « On ne peut pas parler de dialogue social et dénigrer les gens qui représentent les vrais salariés », argumente-t-elle. Derrière la banderole intersyndicale, l’immense cortège de la CGT est déjà arrivé place de la Comédie que les syndiqués de Sud n’ont pas avancé d’un mètre. Ca réjouit Philippe de Tolédo (Sud Education) qui trouve ce 1er mai « extraordinaire ». « C’est une réponse à Sarko qui a voulu en faire une fête du travail dans la pure tradition pétainiste. Or le 1er mai c’est la fête internationale des travailleurs ». A Montpellier, on ne l’oublie pas. Derrière la marche syndicale, défilent les Kurdes de « Mala Kurda » ou les Chibanis dont on rogne les droits. Et flottent les drapeaux palestiniens.
Au Peyrou, Julien Colet (CGT) avait cité Raymond Aubrac disparu il y a quelques jours et son épouse Lucie. « Résister doit toujours se conjuguer au présent » avait coutume de dire cette grande résistante. Le secrétaire de l’UL, une fois égrenées les « vraies » revendications, lance : « Monsieur le président candidat, aujourd’hui vous avez perdu votre âme, demain vous perdrez l’élection »… Le cheminot Laurent Martin le dit autrement : « On est là pour peser sur le 6 mais aussi sur le 7 et après. » Comme le chantent HK et - les Saltimbanques -, dont le camion de la CGT diffuse le titre en boucle, ils ne lâcheront rien.


ANNIE MENRAS
Les partis politiques de gauche en masse derrière les syndicats

La CFDT n’a pas eu besoin de quitter le cortège comme en avait menacé François Chérèque. Et Nicolas Sarkozy aura bien du mal à parler de récupération politique sur le dos des « corps intermédiaires » qu’il dénigre tant.

Bien plus nombreux qu’à l’accoutumée, les partis politiques de gauche ont fait entendre leur voix hier matin entre le Peyrou et la Comédie. PCF, Parti de gauche, Fase, NPA, Lutte ouvrière, PS, Europe-Ecologie les Verts (EELV)… Massés derrière la marée de drapeaux rouges du défilé jeune et endiablé du Front de gauche, pas un ne manquait à l’appel.
En nombre. Energiques. Revendicatifs. Mais à leur place. En retrait en fin de cortège pour éviter tout amalgame. Et ne pas donner du grain à moudre au candidat président qui réclame que le temps de parole de la CGT soit décompté de celui de François Hollande. « Pas de confusion : c’est la journée de défense des travailleurs et des syndicats qui sont attaqués » pose d’emblée Alain Chaignon (PG) qui trouve un peu fort de café les insinuations de la droite qui accuse la gauche d’instrumentalisation. « Ce n’est pas une manif’ politique, abonde Hervé Martin (PCF). Mais celle du monde du travail et de ses revendications que Sarkozy ferait bien d’écouter ».
Le groupe épais d’élus, de candidats et de militants socialistes qui arborent tous un badge Hollande ne fait pas de ce 1er mai autre chose qu’une matinée ensoleillée de « solidarité avec le vrai travail ». Même si le président d’Agglo Jean-Pierre Moure voit dans la palette de couleurs qui convergent vers la gare « une courroie de transmission très importante [vers dimanche] ». « C’est une manif’ à caractère syndical mais il est bon que les citoyens s’y rallient » sourit André Vezinhet, le président du Conseil général. « Il n’y a pas de colère politique particulière » juge Jean-Louis Roumégas (EELV) qui rappelle que « c’est le FN qui tente de diviser les Français sur le 1er mai ». « Un 1er mai, ça ne se récupère pas, ça se respecte » pose sagement le maire Hélène Mandroux (PS).
Les syndicats devant, les partis derrière. Même si la tonalité politique de l’ensemble n’échappe à personne. « Sarko c’est la double Pen ». « Sarkozy la porte, vite ». « Sarko, pour toi la retraite, c’est dimanche ». Les militants du NPA, pro-Poutou ou pro-Mélenchon, font bien partie de ceux qui tractent pour « dégager Sarkozy ». Mais les pancartes et autres marionnettes qui singent le locataire de l’Elysée ne sont pas brandies au sein du cortège politique mais syndical.
Pour René Revol, c’est le signe que « le combat va continuer dans les urnes et dans la rue » promet le maire PG de Grabels qui replace l’enjeu dans « la lutte contre l’austérité et l’axe du merkozysme ». « Il faut aller voter Hollande sans se pincer le nez » se projette Cédric Sudres (PCF). Hier, c’était un peu le 2e tour de la rue. Et elle a choisi son camp.

REMY COUGNENC