Cette année la nouveauté était le meeting de Sarkozy qui s’ajoutait à la manifestation du Front national.
Dans
son rassemblement du Trocadéro, devant environ 40 000 personnes, bien
loin des 200 000 revendiquées, Sarkozy a essayé de reprendre un peu de
hauteur (« gaulliste » selon une certaine presse) tout en se recentrant
sur un discours de droite traditionnel : l’hostilité au « socialisme »
(comme si cela pouvait être une menace incarnée par Hollande…) et aux
syndicats décriés comme « politisés » (CGT, FSU, Solidaires) parce
qu’ayant appelé à voter contre lui, ce qui est pourtant la moindre des
choses. « Déposez le drapeau rouge » et choisissez de « défendre la
France », leur a-t-il intimé.
Quoique plus importante numériquement, cette réunion du candidat de
l’UMP n’a cependant pas éclipsé celle, pourtant fort peu nombreuse
(quelque 6 000 participants ?), tenue le même jour par le Front
national. Marine Le Pen y a en effet repoussé toutes les avances du
président sortant, en choisissant de dénoncer avant tout celui qui
« défend aujourd’hui des thèses qu’il a combattues pendant cinq ans » et
« tente de se travestir en candidat du peuple et en amoureux de la
nation », une « escroquerie électoraliste ». Pour elle, l’enjeu du
second tour se résume à savoir « qui de Nicolas Sarkozy ou François
Hollande appliquera le mieux la politique de rigueur de la Troïka »,
lequel des deux « sera le meilleur employé de la Banque centrale
européenne ».
Le public clairsemé de la place de l’Opéra a entendu un discours
combinant une démagogie sociale exacerbée (Le Pen en championne du
pouvoir d’achat et de l’emploi contre les banques et les
multinationales…) avec un discours d’extrême droite violent antisyndical
et anti-immigrés. La dénonciation conjointe du « Medef et de la CGT,
de l’UMP et du PS, des communistes révolutionnaires et des grands
patrons du CAC40 » apportant une touche indispensable de nostalgie
fascisante…
La direction du FN, qui se pose en recours (« nous sommes le
rassemblement national, le parti de la réconciliation de tous les
Français »), mise ainsi de façon très claire sur une défaite de Sarkozy,
laquelle, à son avis, pourrait lui permettre de jouer ensuite un rôle
central dans une recomposition politique de la droite et de l’extrême
droite. Une possibilité qui a en fait été préparée par la politique de
Sarkozy lui-même, qui pendant cinq années a œuvré à banaliser et
légitimer les thèmes de propagande du FN.
Si, comme nous l’espérons au côté de tant d’autres, Sarkozy dégage le
6 mai, ce grand bol d’air pour les salariéEs et les pauvres
n’empêchera pas que l’on se trouve face à une situation compliquée et
lourde de dangers. L’un d’entre eux et non le moindre sera la menace
représentée par le FN, ou le regroupement politique qu’il parviendrait à
former après l’explosion de l’UMP sur laquelle il mise. Il n’y a
qu’une voie pour s’y opposer efficacement : construire un front unique
victorieux contre toutes les politiques d’austérité y compris de
gauche, et renforcer une option anticapitaliste indépendante face à
toutes les orientations capitalistes et de collaboration de classes.
Jean-Philippe Divès